Modern Circus

 

 

 

Au loin, un ciel qui fume et la terre qui se noie.

Dans les nuées de poussière

Les images s’inversent,

La terre devient le ciel

Le ciel rejoint la terre.

Ma valise sous le bras je suis la déchirure qui traverse la ville.

Moderne illusionniste, j’ai empli ma besace de tout le nécessaire

Utile à ma mission

Je suis la déchirure qui traverse la ville

Distribuant  au hasard les mots de compassion.

Mesdames et messieurs

Approchez, approchez

Par ici, par ici

Y’en aura pour tout le monde.

J’en ai plein ma besace

Des mots de compassion

De beaux mots qui remuent

Qui vous fouaillent la chair

La chair sanguinolente des corps qui gémissent

Et vous arrachent des larmes.

Le cul dans le fauteuil

Vous me regardez faire

Chaque soir à vingt heures

Devant une petite bière.

Vous attrapez mes mots

Mes mots de compassion

Que je jette en pâture

A vos bonnes consciences.

Approchez, approchez

Messieurs et belles dames

Le grand barnum est de retour.

Dans ma petite valise, j’ai tout ce qu’il vous faut

Des pleurs et des soupirs

Des regrets, des remords

Tout un bel inventaire.

Une polyphonie sublime

Qu’entonnent à l’unisson

Tous les illusionnistes de notre chère planète.

Et sur la déchirure qui traverse la ville

Je croise les vautours

Campés sur les charniers

Ils apprécient de l’œil les profits à venir.

Au passage ils m’empruntent, les mots de ma valise

Mes beaux mots qui remuent

Mes mots de compassion

Et ils vêtent habilement leurs yens, leurs euros, leurs dollars.

Approchez, approchez

Bonnes gens

C’est la magie du spectacle

Le béton devient or

Le ciment est diamant

Attention, attention !

Y’en aura pas pour tout le monde !

Sur les charniers campent les vautours

Un œil sur le NASDAQ

L’autre sur la télé.

Ils supputent, ils calculent.

Et dans une pose avantageuse

Ils sortent les grands mots de ma valise à mots.

Mes mots de compassion

Qu’ils enserrent dans leurs serres

Jusqu’à les rendre exsangues.

Je reprends ma valise.

Je suis la déchirure

Qui traverse la ville

Et qui se perd au loin…