Le marathon des dix mots 2009 de Marie-Françoise Chevais

Le mot préféré, la lettre ouverte, le château demain...

Cf: consignes http://www.chateaudavanton.com/blog/index.php?2009/03/04/614-le-marathon-des-dix-mots-2009

 

 

 

 

EXERCICE 3: éloge du mot préféré

 

Eloge du chercheur à sa découverte.

 

Oh toi digne génome, doux génome de ma vie

Génome de mon cœur

Cœur de cible d’un projet si ardemment chéri

Chéri plus que mon âme

Je t’ai porté

Sur les fonds baptismaux  de mon labo pourri

Je t’ai cherché

Sans appuis ni finances et malgré le mépris

Je t’ai trouvé

N’en déplaise aux ignares de ce gouvernement

Pour qui le maître mot reste le rendement

N’en déplaise aux serviles qui dans cette société

Se plient docilement à la loi du marché

J’ose clamer bien fort, si modeste chercheur

Qu’avec toi j’ai passé

Des mois et des années

Et je n’ai nul regret

Pour tout ce temps donné

Je n’ai pas comme Amstrong

Foulé la lune du pied

Et pourtant il me semble

Avoir fait avec toi

Un grand pas en avant

Pour notre humanité.

 

 


EXERCICE 4 : lettre ouverte à une instance officielle pour proposer un changement

 

 

                                                                                                          Avanton, le 21 mars 2009

 

Monsieur le Président,

 

 

 

Avant que de vous exposer les motifs réels de cette missive, je tiens à vous féliciter pour le goût très sûr que vous manifestez dans le choix de vos lieux de villégiature. Je ne doute pas en effet que vous soyez revenu de votre séjour au Mexique riche de ce contact avec les civilisations précolombiennes.

Quelques lectures bien ciblées suffiront à transformer cette simple initiation en un savoir pérenne qui vous fera briller lors des sommets internationaux.

En outre, l’éducation des masses qui passe par l’exemple, on ne saurait en avoir de meilleur que l’image de notre président assis sur la plus haute marche d’une pyramide maya, le roman de la Princesse de Clèves à la main.

Quelle vision édifiante pour les générations à venir !

Préambule un peu long, venez-en aux faits.

J’y arrive Monsieur le Président, j’y arrive

Cette longue introduction apparemment peu compatible avec le contenu qui va suivre n’a pour but que de capter votre attention et surtout de vous détendre. Loin de moi le désir d’effacer d’un clic de souris le bénéfice de vos vacances mexicaines…

Car franchement, quelle bonne mine vous avez quand vous revenez de voyage !

Cette bonne mine qu’on ne trouve pas toujours affichée sur les visages de votre bon peuple, ce qui j’en suis sure vous chagrine.

Comme me chagrine, humble citoyenne que je suis, de savoir que tous ces prestigieux déplacements sont payés avec nos impôts, donc en partie avec les miens.

Monsieur le Président, il faut que tout cela cesse si vous ne voulez pas baisser dans les sondages.

Je vous suggère que pendant toute la durée de votre mandat, vous renonciez vous et votre entourage à tous ces voyages. L’argent ainsi économisé servira à offrir des vacances à tous les enfants des quartiers.

Des vacances modestes, Monsieur le Président, pas même un clair de lune à Maubeuge et encore moins un clair de terre sur mars, juste un ailleurs, loin des tours de misère et des cars de police.

Monsieur le Président, nous participons tous du génome humain, faites un geste pour vos frères.

 

Yes you can. Allez, courage! C’est le fonds qui manque le moins.

 

Je reste persuadée que votre grand sens de l’équité n’attendait que le coup de pouce d’une humble suggestion citoyenne.

Dans l’attente de la mise en place de cette généreuse réforme, je vous prie d’agréer Monsieur le Président l’expression de mes sentiments respectueux.

 

 

 

                                                                  Philomène Candidus

 

 

 

 

EXERCICE 5 : dialogue sur le thème de la mobilité (professionnelle, déménagements, tourisme…)

 

 

Il regardait son fils d’un air songeur.

¾ Toi tu désires toujours être ailleurs, il faudrait quand même que tu te fixes, que tu te trouves une femme, que tu fondes une famille, que…

¾ Que quoi ? L’interrompit Julien, que j’attende de trouver un job que je ferai toute ma vie, dans la même ville, jusqu’à la retraite ?…Mais c’est des visions tout ça, mon pauvre père, la société s’est transformée, on est plus en 1950.

Tout en parlant, Julien fouillait frénétiquement dans ses poches à la recherche de son paquet de cigarettes, pour se rappeler in extremis, que désormais le fumeur et la salle de café n’étaient plus compatibles.

                        ¾ Et alors, ce n’est pas parce qu’on n’est plus en 1950 qu’il faut avoir la bougeotte, tu as fait combien de boîtes depuis que tu bosses, hein ?.. Combien ?.. Si tu continues tu vas finir par aller t’installer sur Mars. Remarque… de là-haut, tu pourras toujours contempler le clair de terre !…

Julien haussa les épaules, comme chaque fois que le sujet du travail était abordé avec son père, la discussion dérapait.

            ¾ Mais non, je ne veux pas aller sur Mars, dit-il avec lassitude. Quoique si les savants arrivent à modifier le génome humain pour permettre de vivre sur une autre planète, je suis partant pourvu qu’il y ait de la thune à se faire.

            ¾ De la thune, de la thune, y’a pas que l’argent dans la vie. Il doit bien y avoir un métier qui t’intéresse non ? Un emploi pérenne c’est pas si mal.

            ¾ Un emploi quoi ?

            ¾ Pérenne, ça veut dire qui dure plus de 3 jours que tes foutues missions que tu enchaînes depuis que tu as quitté l’école.

Julien s’était absorbé dans la contemplation de son verre de bière. Bien sûr qu’il aurait aimé trouver un boulot un peu moins merdique que tous ceux qui lui avaient été proposés, mais voilà, on n’est pas dans Second life, un clic ne suffit pas à réaliser ses rêves. On est dans la vraie vie, bordel ! Et cette vie-là elle me gave !pensait Julien.

            ¾ Tu m’avais pas dit que tu serais peut-être titularisé dans la boîte qui fabriquait des capteurs solaires ? reprit son père.

            ¾ Si, c’est ce que je croyais et puis la société a délocalisé ses unités de production en Roumanie, alors…peut-être bien que je vais me mettre à apprendre le roumain, conclut Julien désabusé.

 

 

 

 


EXERCICE 6 : le château demain

 

Victor s’était arrêté devant une fenêtre, il se fit la réflexion que les arbustes de la cour d’honneur avait besoin d’être taillés et que le gazon des massifs laissait à désirer, et puis les fleurs, où étaient passées les fleurs qu’il avait plantées avec tant d’amour jusqu’à l’an dernier? Tout semblait négligé. Comme moi se dit-il en se passant la main dans les cheveux. Il se sentait las, il n’avait plus le goût à rien et surtout il n’avait déjà plus envie de se battre.

En se levant ce matin, il n’avait ouvert qu’une fenêtre, celle de la façade, de ce côté finalement rien n’avait vraiment changé, quelques heures de jardinage et tout serait redevenu comme avant. Mais il suffisait de se retourner pour comprendre que pendant la nuit, il n’y avait pas eu de clic magique.

Elles étaient là.

Toujours là.

Comme des balafres défigurent un visage, quarante éoliennes avaient transformé cette large plaine qui s’étendait jusqu’au futuroscope en une vision d’horreur.

Quand le projet, qui était resté confidentiel pendant longtemps avait enfin été dévoilé, Victor n’avait pas pris l’exacte mesure du danger. Il avait laissé faire. Puis lorsque l’association s’était créée pour lutter contre l’installation de ces éoliennes, il avait adhéré. Pour se tenir au courant.

C’était moins par négligence qu’il avait tardé à s’intéresser au problème que paradoxalement par conviction écologique. En effet, il avait été dans la région un des premiers à se soucier des problèmes d’énergie et bien avant tout le monde il avait installé des capteurs solaires aux abords du château pour pouvoir chauffer le bâtiment. Alors, quand on commença à parler de ces grands moulins à vent modernes qu’il fallait installer de manière pérenne, il trouva que l’idée était tout à fait compatible avec son souci de protection de l’environnement.

Il déchanta très vite quand les premières éoliennes furent installées, d’abord elles défiguraient le paysage, ensuite elles faisaient du bruit et ce bruit le perturbait, il n’arrivait plus à écouter les oiseaux et sa sérénité en était troublée.

Et maintenant, songeait Victor, maintenant il y en a quarante et une prochaine tranche de cinquante est prévue.

C’est foutu, je vais tout bazarder.

Chaque jour il se faisait les mêmes réflexions et il ne se décidait à rien. Deux ans que les éoliennes avaient poussé dans la plaine, deux ans que son champ de vision s’était rétréci, deux ans qu’il ne dormait plus à cause de ce maudit bruit.

¾ Nom de dieu, on pouvait pas les mettre ailleurs ces putains d’engins pesta Victor à voix haute.

         Victor s’éloigna de la fenêtre et se dirigea vers le buffet. Il n’était que 11 heures du matin  mais il avait besoin d’un petit remontant, il sortit la bouteille de scotch et s’en versa une généreuse rasade.

                     ¾A la santé d’Eole s’exclama-t-il.

Sa voix résonna de manière sinistre, il s’assit lourdement dans un fauteuil et resta ainsi un long moment, les yeux dans le vague. L’image des éoliennes était devenue à ce point obsessionnelle qu’il ne parvenait plus à déterminer si c’était leur présence qui le dérangeait réellement ou l’idée qu’il s’en faisait.

Depuis cette scène, trois années s’étaient écoulées, et des dizaines d’éoliennes avait poussé  dans la plaine, comme de mauvaises herbes. Les derniers recours pour sinon les supprimer, du moins en arrêter la prolifération avaient été épuisés. Victor était alors tombé dans une profonde dépression qui avait connu plusieurs phases.

Il s’était d’abord enfoncé dans une sorte de déni. Après tout, s’il ne les voyait plus ces foutues éoliennes, elles n’existeraient plus. Il avait donc condamné toutes les ouvertures du château qui donnaient sur la plaine. La malheureuse bâtisse était ainsi devenue borgne. Mais son infirmité l’avait rendue moins attractive et les clients avaient commencé à déserter. Le malaise de Victor s’en était accru.

Puis par contagion peut-être, il était resté aveugle et sourd aux tentatives de son entourage pour le tirer de sa morosité et en se repliant sur lui-même, il s’était coupé de tous. Résultat, sa femme s’était lassée, elle s’était installée dans l’aile la plus éloignée du château et seul le hasard les faisait désormais se rencontrer.

Ensuite, dans un sursaut de rage, il avait imaginé les détruire. Il se prenait à rêver d’un 11 septembre bis, des avions qui se crashent sur ces stupides éoliennes, un amas de ferrailles enchevêtrées jonche le sol, les radios, les télés du monde entier sont là, lui faux cul au milieu des décombres :

¾C’est affreux. Un crime contre l’écologie. C’est notre planète qu’on assassine. Pas de pitié pour ces terroristes, il faut les poursuivre jusque dans leurs chiottes…

Mais voilà, son génome ne devait pas être programmé pour des actions extrêmes car la seule violence qu’il se permit fut d’aller donner des coups de pieds rageurs dans ces satanées tours. Ce qui lui valut de se tordre un orteil !

Il dut reconnaître piteusement que le grandiose n’était pas à sa portée.

Alors il choisit la solution des faibles : l’alcool.

Cependant, il se rendit vite compte que loin de l’aider, l’alcool aggravait la situation car à partir d’un certain degré d’alcoolémie, les images se dédoublaient et des milliers d’éoliennes déferlaient sur lui telles les armées de Gengis Khan.

Il renonça aux boissons fortes et opta pour le cannabis. Mais il découvrit rapidement que la fumette le rendait comateux et puis, les tresses rasta, il avait passé l’âge…

Un ami américain de passage à qui il confia son désarroi, lui laissa des petites pilules de toutes les couleurs

LE MI-RACLE !

Tout devenait beau, les éoliennes se paraient comme des sapins de noël, le vacarme qu’elles produisaient  devenait mélodieux.

Soudain, tout était calme, luxe et volupté…

Puis les descentes se firent de plus en plus rudes. Il lui fallut augmenter les doses. Victor vivait dans un état de confusion mentale du lever au coucher.

Jusqu’au jour où les gendarmes l’arrêtèrent alors que, monté sur sa vieille jument, son parapluie de golf brandi comme une lance, il se lançait à l’assaut des éoliennes.

Quand il déclara s’appeler Don Quijote de la Mancha , les gendarmes appelèrent le SAMU.

Depuis, Victor est interné dans un hôpital psychiatrique. Sa femme a réintégré ses appartements et comme elle est fine mouche, elle fait venir des touristes de toute l’Europe pour que, du haut du donjon, ils puissent admirer ce parc d’éoliennes unique au monde.

Même le grondement des éoliennes n’est plus une nuisance. Un compositeur de musique l’a utilisé dans une de ses création sobrement intitulée : Messe pour le temps futur. L’enregistrement a fait le tour de monde et les retombées financières sont conséquentes.

Désormais, les buis de la cour d’honneur sont taillés, les parterres sont fleuris et le gazon est anglais.

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