Cf: consignes http://www.chateaudavanton.com/blog/index.php?2009/03/04/614-le-marathon-des-dix-mots-2009

 

 

Le mot préféré

 

 

 

Ô toi Clic !

Petit mot pour grand changement . Il a suffi de ce bruit sec et définitif pour faire croire que tout était fini. Mais Non. Derrière ces quatre lettres je vois une infinité de possibilités.

Tout commence par la bruit que font les ciseaux coupant le cordon ombilical. Puis celui du fermoir du cartable qui contient les précieux cahiers. Des cahiers remplis d’une écriture fine où sont consignés ses angoisses, ses peurs, ses envies, ses rêves, ses passions, ses désirs en un mot. Des cahiers remplis de portées musicales pour adoucir la douleur des mots.

Tu es aussi le clic des appareils photos plus tard qui le feront trembler, puis se refermer et se recroqueviller.

Le clic du magnéto qui s’interrompt à la fin d’une prise de son. Clic clac, dans la boite. Mixée, malaxée. Tout est consigné. Il sera toujours temps de revoir sur scène si ce petit clic vaut une grande claque. Ce fut souvent l’effet produit. Avec peu de mots audibles. Un par phrase pour déclencher le déclic chez l’auditeur qui doit recevoir le grand choc.

Tu lui en auras donné des vertiges. Il t’aura toujours répondu par de l’amour. Toujours un peu plus d’amour. Certains y reconnaîtront ton petit son dans ses bijoux disséminés parmi de nombreuses pierres fines se cognant aux diamants tout droit sortis de son cerveau lumineux.

Le dernier clic sera celui que tu lui auras décoché, un peu tôt peut-être mais tout en dignité, ce jour où il a pu rejoindre les seigneurs des mots chics sans choc, dans un simple clic de briquet. En fumée.

 

 

 

Lettre ouverte

 

 

 

Lettre ouverte à Monsieur le Président de la République

 

Monsieur le Président,

 

Vous appelez de vos vœux la transformation de la société française. Les français aussi désirent ce changement. Celui-ci ne saurait se faire par un simple clic de souris.

Pour que nos visions de l’avenir soient compatibles, il convient vraisemblablement que nous fassions chacun un pas vers l’autre.

L’avenir que vous nous proposez aujourd’hui ne peut constituer une société équilibrée et pérenne. Vous serez grandi à proposer pour la première fois dans le monde une société de plein emploi. Une société où chaque individu en âge de travailler se lèverait le matin pour faire progresser son pays, apporter sa contribution au bien être de chacun.

 

Je me plais à vous imaginer président d’un pays qui n’aurait plus besoin d’un Pôle emploi incapable de fournir du travail au balayeur ou au cadre, mais d’un service dédié à la bonne répartition des tâches en fonction des capacités des uns et des autres. Les banques libérées du carcan de la Bourse seraient utilement employées à la bonne gestion de l’argent des concitoyens.

 

L’utopie, de mise dans ce nouvel ordre moral, vous conduirait à la tête d’un Etat qui ferait école auprès de tous. Vous pourriez, sans vergogne, rendre visite aux chefs d’Etat de la terre entière, qui se presseraient pour connaître les secrets de votre succès.

 

Il suffit de peu, Monsieur le Président pour vous attribuer le premier rôle. Juste répartir les responsabilités entre chacun. Rendre son autonomie et son intégrité à chaque français. Vu de l’espace, la France apparaîtrait comme La référence, enviée de tous. Au clair de la terre, elle occuperait la place centrale. Celle dont vous rêvez. Celle qui lui revient. A condition qu’elle survive au chaos imminent. La solution est entre vos mains. Il suffirait de presque rien.

 

Je vous prie de croire, Monsieur le Président, en l’expression de mes salutations respectueuses

 

                                                                                                                                                        Dominique Turpin

                                                                                                                                    Résidente de la République

 

 

 

Le château demain...

 

 

 

 

 

La maison est la même. Même escalier central en pierre. Mêmes ailes décalées aux proportions dissonantes. Par quel hasard l’architecture des lieux s’est-elle trouvée ainsi harmonieusement répartie dans son déséquilibre ? Peut-être n’y a-t-il pas eu de plans à l’origine. Juste une construction réalisée au gré des besoins.

La première fois que je suis venue ici, j’ai tout de suite pensé que ce serait un formidable décor pour les malheurs de Sophie. Les pièces de dimensions raisonnables. Les petits cabinets en donjon. La cuisine retirée. Tout portait à croire que le lieu avait été inventé pour elle. Ou pour Alice. Lewis Caroll souffrait de migraines ophtalmiques ce qui explique le rapetissement d’Alice et sa descente dans ce trou en spirale. Ici les troubles de la vue disparaissent. Le champ de vision s’élargit. La nature elle-même se transforme. L’horizon s’évanouit. Un ailleurs se fait désirer. Clic Clac. J’appuie sur le déclencheur. Je fixe cet instant pour l’éternité.

 

J’ai beau arpenter les salles, nul ne saura m’expliquer pourquoi les restaurateurs de ce modeste château ont déserté les lieux. Depuis de nombreuses années me dit-on la maison de production « Clair de terre » a installé ses bureaux ici jugeant compatible un lieu de tournage isolé et la solitude nécessaire à toute créativité. La proximité de la gare TGV, à une heure de Paris, était un argument supplémentaire sans impacter le coût de l’empreinte écologique des résidents.

Je me déplace en silence parmi les perches, les fils électriques et autres caméras installées dans des endroits stratégiques par des techniciens expérimentés. Tout le monde s’affaire. Ignorant jusqu’à ma présence.

 

Dans le salon Marie-Antoinette, une jeune actrice montante se repose. Une table de maquillage l’attend. Le moment venu elle s’y installera fébrile, tout en répétant son rôle une dernière fois. La maquilleuse apportera les dernières retouches à ses grands yeux. Elle effacera discrètement une petite trace de maquillage sur le cou et accentuera le grain de beauté sous la lèvre. La « discrète » en place, elle pourra rejoindre le réalisateur pour le dernier clap. Celui-ci ne se montrera qu’au dernier moment. Un livre en main, il ne laisse personne l’approcher. Non par égocentrisme mais par timidité. Les entretiens de Bertrand Tavernier avec les plus grands réalisateurs sont pour lui une source de renseignements sur le métier, mais avant tout un paravent. L’attachée de presse se fait tout aussi discrète. Pas de talons démesurés ni de semelles compensées, ni tenues aux couleurs flamboyantes. A l’image de son patron –chose rare dans le métier – elle se tient en retrait. Attentive au moindre changement. Prête à répondre à la moindre question.

 

Tout est feutré. En complète opposition avec ce que l’on peut imaginer sur un plateau de tournage. Les gestes des techniciens semblent inscrits dans leurs corps. Peu de mots. Des déplacements gracieux. Filés.

 

Instants magiques. Tel le chat d’Alice je me promène sans reine perdre du spectacle qui m’est offert. Une semaine. C’est tout le temps qui m’est alloué pour clore ce reportage. Une semaine pour raconter une aventure pérenne.

L’aventure d’un chat perdu dans une grande maison d’où les maîtres ont disparu en laissant la place à des petites filles qui découpent les poissons rouges en tranches tout en jouant avec des lapins dotés de la parole.