tous les vendredis soirs.

 

      Un rite dont je me serai parfois bien passée, tellement mon esprit rejetait ses mains, ses paumes du mensonge. Mais finalement, cela finissait toujours par m’apaiser, je finissais toujours par accepter. Quand c’était lui qui me massait, j’avais l’impression de fondre sous ses caresses, je sentais ma fureur se dissiper en moi. Nous ne parlions jamais de ce qui n’allait pas, mais soignions ses errances à coup d’huile d’argan, nous traitions ses silences avec du jojoba. Le vendredi, notre éloignement viscéral devenait épidermique.

 

      Cette fois, c’est moi qui l’ai allongé sur le lit, prenant l’initiative. J’étais trop claire, je ne voulais pas fondre, je voulais maîtriser le rituel moi-même. L’essentiel de nous n’était plus qu’huile.

 

      Je commençais d’abord avec rage, faisant passer dans mes pouces les relents d’être toujours celle qui pardonne. J’appuyais sur les nœuds des muscles, titillant les tensions. Une manœuvre pas toujours agréable dans l’instant, j’aurais pu m’excuser, mais n’étais-je pas là pour son bien-être au-delà de cette petite souffrance? A force de pression dirigée, le nœud se déferait, la tension se dissiperait. J’insistais, donc.

 

      Mais petit à petit, je sentais ma fureur diminuer. L’acceptation arrivait par mes paumes et au delà, ma main sur son dos, montait le sentiment que nous ne serions plus jamais comme avant.

 

       Plus mon massage devenait tendre et à l’écoute de son corps, plus mon coeur se séparait de lui. Désormais, mes mains couraient sur lui sans forcer, comme portées par l’huile. Chacune de ses fossettes, chacun de ses trop pleins étaient comme des points de rendez-vous où mes paumes allaient seules. Mon esprit considérait la chose, le geste, comme avec étonnement, et laissait faire mes bras.

 

       Cet homme allongé, alangui, devenait un objet de tendresse, objet que je savais manipuler à merveille comme un jouet familier. J’en connaissais tous les ressorts et avec l’age, j’avais appris à en dépasser la magie. L’attachement restait, mais avec cette distance, comme un doudou de l’enfance, qu’on reconnaît, bien qu’il soit devenu impensable de dormir avec.

 

       Mes mains disaient tout cela à son dos, merci de ce que tu as pu faire, de ta protection virtuelle, j’en vois bien maintenant les limites. Mes pouces s’ancraient dans sa nuque, nous n’y pouvons rien, et mes paumes lissaient ses épaules, tu es ce que tu es, juste cela, l’illusion est passée.

 

       Je m’asseyais sur lui, je me penchais sur son dos, je m’éloignais de lui. Du haut de ma distance, je voulais par ce massage le conforter, le rassurer dans l’imminence de la juste rupture.

 

 

NB: Retrouvez les textes de Michèle Lessaire avec la rubrique: "Rechercher"