Mon amour,

Tu sais,je me repasse en boucle les meilleurs moments de notre vie quand nous sillonnions à la boussole de tes impulsions le rhizome des petites routes de Wallonie à la recherche de visages toujours frais, toujours plus jeunes.

Je garde un souvenir toujours aussi ému de nos palabres interminables avant que tu te décides à jeter ton dévolu sur la mini-jupe de l’une ou l’autre de ces innocentes enfants qui jouaient à la marelle devant nous attablés au Bar de la Passerelle de Charleroi et du plaisir qui m'envahissait devant ton expression jubilatoire si soudain l’une d’entre-elles, plus douce, plus fluette, plus naïve s’imposait à l’évidence de ton désir.Tu te souviens avec quelle patience, moi d'ordinaire si pressée, nous attendions, sans mot dire, parfois des heures s’il le fallait, que l'élue se détache du groupe pour rentrer à la maison et suivions le frais visage avec le combi, toi, très concentré ajustant dans ta tête les mots que tu lui dirais avec tact pour l’apprivoiser,avec cette douceur irrésistible qui la ferait monter sans méfiance dans notre familiale pour nous indiquer le chemin tandis que je préparais le chloroforme…

Je suis malheureuse de te savoir ainsi bouclé entre quatre murs, toi aussi audacieux, entreprenant, aussi débordant d’appétit. Moi, l'impression d' enfermement a été la compagne de toute ma jeunesse. La prison me ramène seulement à ma vie d'avant de te connaître où j'étais bouclée dans le carcan de la morale, de mes inhibitions, de mes habitudes de jeune fille rangée…

Je n’avais jamais connu le désir avant toi et n’ai éprouvé de jouissance qu’à travers la tienne.

Ces grandes chasses et nos belles captures furent des moments merveilleux, les plus belles années de ma vie.A présent, tout m’est égal, sauf de te savoir arrêté par ces murs.

Je t’embrasse tendrement.

Michelle Dutroux



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