de nos enfances et occupe encore aujourd’hui une place de choix dans les figures mystérieuses qui accompagnent le triomphe de son ami Nicolas. Quand je dis de nos enfances, je pense plutôt aux jeunesses de ma région. Beaucoup de mes connaissances se sont interrogées sur les rhizomes de mon esprit qui ont pu me pousser à consacrer 5 ans de ma vie à cet inconnu. Certains n’en avaient jamais entendu le nom, d’autres ignoraient jusqu’à son visage.
Si son fidèle ami Nicolas est désormais célèbre en France et reconnu pour son caractère jubilatoire, seuls ceux d’entre nous qui ont grandi dans l’Est de la France savent nommer celui qui marche depuis toujours derrière Nicolas. Et jamais personne n’avait mené une enquête aussi complète que la mienne sur ce sombre acolyte.
Je me rappelle de leurs défilés à tout deux dans ma ville, les enfants se pressant pour toucher Nicolas, espérant un sourire ou plutôt un bonbon de sa grandeur. Enfin, de sa grandeur, c’est relatif, car finalement c’est surtout son statut, sa pureté supposée qui lui confère son aura. Et bien sur, les bénéfices qu’on peut attendre de sa venue. Enfants, nous avions bien compris l’importance d’apprivoiser Nicolas. Ma sœur et moi, l’air le plus sage possible, nous guettions son passage de la passerelle au dessus de la rue.
Mais ce n’est pas à Nicolas, dont la légende personnelle est déjà renforcée par une abondante littérature, que j’ai consacré mon cycle d’étude.
Non, c’est bien de son mystérieux ami qu’il s’agit, celui qui justement s’occupe de toi, ma sœur, quand tu n’as pas été aussi sage que tu voudrais le paraître.
Parfois dissimulé aux enfants, parfois l’objet de nombreux palabres, celui dont l’histoire raconte qu’il fut précédemment boucher, a pour mission les corrections et réprimandes dont Nicolas ne saurait se charger.
Alors que Nicolas s’attable et régale les gentils convives de ses bénédictions, derrière lui, tout vêtu de noir, mon objet d’étude agit sur le mal.
Pour être franche, cinq ans d’étude ne m’ont pas toujours permis de connaître la totalité de ses exactions. Les historiens ont surement dissimulé avec tact la réalité de ses agissements. La rumeur dit qu’il tue et mange ses victimes, mais il est plus couramment établi qu’il les corrige sévèrement. On parle de cérémonies funestes la nuit. Eclairé à la bougie, guidé par une seule boussole le menant aux plus déviants d’entre nous, il sévirait au fouet.
C’est bien là, la force de son mythe, cette symbolique marquante d’où il tire son nom. Le Père Fouettard.
Et il est bien regrettable que les enfants de toute la France, n’aient pas comme moi, craint la vindicte du Père Fouettard. Car qui sait si celui-ci n’est pas aujourd’hui encore en charge de corriger les méchants, caché derrière le triomphe souriant de notre nouveau saint Nicolas.


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