Il en admirait le contour incliné qui prolongeait son ombre. Il faut toujours nommer les détails qui vous grandissent. Devenir leur intime. S’imprégner de leur conviction. L’adolescent avait bien compris ça, qu’on doit s’aimer jusque dans son ombre et le faire sans attendre. Alors il devançait l’appel. Se complaisait dans cette idée de n’être encore qu’une ombre pour les autres. De la déployer pour lui seul. D’en contempler le dessin et comme elle glissait bien sur les premiers chemins de la vie. Sans bruit, sans éveiller de soupçons. Il plaçait un tel espoir en son ombre qu’il s’attendait à la voir se détacher de ses pieds, courir devant, témoigner de son impatience et de sa liberté.

C’est finalement ce qu'elle a fait, mais pas exactement comme il l’avait imaginé.
Les ombres ne se plaisent qu’au soleil. Lorsque le ciel s’est mis à grisonner, la sienne a mal pris la chose. Il ne l’a plus revue.
Mais on ne lui ôtera pas de l’idée qu’elle est quelque part devant et qu’elle a maintenant choisi de revenir.
Il n’a plus qu’à l’attendre, sereinement, au pâle soleil d’un age parti à sa rencontre.