La poupée de chiffon, finalement, n’avait pas changé. le temps était passé, et il l’avait marqué : elle paraissait fanée, flétrie, décolorée… Le rose de sa robe était passé et dépassé, le tissu chair de sa peau avait perdu sa couleur. Tout semblait délavé, affadi…

Et pourtant, très profondément en moi, je sentais que la poupée de chiffon, finalement n’avait pas changé. Qu’est-ce qui, au fond, me donnait cette impression?

Je la regardais, émue et triste la fois, et je cherchais… Elle semblait tellement lointaine, tellement absente, tellement vieille, tellement inanimée, tellement morte… Et je sentais, malgré tout, malgré tout ce marasme, quelque chose de tellement puissant… tellement puissant… presque herculéen…

J’étais troublée, je ressentais en moi une vague me submerger, une vague de désolation et en même temps de quelque chose d’indéfinissable qui me laissait, non pas un goût amer mais comme une lueur mêlée d’incompréhension et de confiance à la fois. Pourquoi, pourquoi ce sentiment aussi étrange?

Plus je pensais, plus je cherchais, plus le brouillard se faisait dans ma tête…Plus je sentais mon cœur chavirer… Je me sentais emportée dans une spirale sans fin, dans un trou noir.

Le malaise, la crise de tétanie me guettait. Me sentant sur le point de défaillir, je laissais mon corps s’effondrer sur le vieux divan crevé, là, derrière moi. Et je fermais les yeux.

La poupée de chiffon m’avait troublée…Pourquoi à un tel point?

Combien de temps s’est-il ensuite passé? Nul ne le saura jamais… Mais finalement, je me relevais et la regardais à nouveau, je la regardais intensément.

Ce fut là comme un éblouissement! Ses yeux! C’était ses yeux, la clé de l’énigme! C’était ses yeux qui n’avaient pas changé! Des yeux pleins de vie, d’énergie, de détermination. Ses yeux, le reflet de son âme! Ils me disaient tellement puissamment, fermement, qu’elle allait se relever, aller de l’avant et retrouver ses couleurs d’antan.