Tant et tant qu'au fil du temps
Au fil du boire
Tous les fils s'étant ligués
Il advint qu'un écheveau
Ligota le cheval noir

L'amoral de cette histoire
Parmi les plus insensées
Est qu'on soit puni de boire
Le plus clair de ses pensées
L'eau du soir

— Je trouve ce poème un peu court, dis-je au marchand. Ne pourrions-nous broder un peu autour ?

— Mais non, justement, il ne prend que peu de place! Vous-même, je suppose, ne souhaitez pas en occuper beaucoup ?
Il me tendit un miroir.

— Ne trouvez-vous pas que cette eau du soir convient admirablement à votre personnage et à son age ?

Et, comme pour s'excuser, il ajouta :
sans outre age.

Va pour l'eau du soir. Mais, eau pour eau, soir pour soir, laissez moi préférer de Valéry :
"La voix des sources change et me parle du soir"

Et, miroir pour miroir, celui de ses fontaines sous la lune où le Narcisse n'osait boire, crainte de troubler sa jeune image.
Ou encore, lune pour lune, voix pour voix, celle de Milosz:
"Ta voix est comme un son de lune au fond d'un puits où l'écho, l'écho de juin vient boire".

En fait, je n’avais retenu ce poème boiteux que pour un autre écho, le plus clair, celui d'un cheval noir prisonnier de ses liens et des nôtres.

Car il faut bien se faire une raison, mon bon Monsieur, il en est toujours qui sont passés avant et qui ont fait mieux. Ce n’est pas une raison pour cesser d’exister…

Voulez-vous que je vous dise quel est notre problème ? Nous manquons de génie !
Mais ce n’est pas grave : gardons le cap tel que nous avons pu le définir et méfions-nous du fil, tant il est vrai qu’il peut se perdre et nous avec…